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19.11.17

Hell's Kitchen : réalisme et série noire chez Marvel.


Daredevil.

Créateur : Drew Goddard.
Origine : États-Unis.
Date de diffusion : à partir d'avril 2015 sur le réseau Netflix.
Nombre de saisons : deux de 13 épisodes chacune.
Genre : super-héros, polar.

Interprètes principaux.
Charlie Cox : Matt Murdock aka Daredevil, avocat chez Nelson et Murdock et justicier de Hell's Kitchen.
Helden Henson : Franklin "Foggy" Nelson, son meilleur ami, avocat chez Nelson et Murdock.
Deborah Ann Woll : Karen Page, assistante juridique chez Nelson et Murdock.
Vincent d'Onofrio : Wilson Fisk, membre principal d'une association du crime qu'il a créée.
Vondie Curtis-Hall : Ben Urich, journaliste usé mais toujours intègre au New York Bulletin.
Rosario Dawson : Claire Temple, infirmière et confidente de Matt Murdock/Daredevil.
Jon Bernthal : Frank Castle aka le Punisher, vétéran de l'Afghanistan, justicier brutal et solitaire.

Hell's Kitchen, New York, de nos jours. Matthew "Matt" Murdock et Franklin" Foggy" Nelson obtiennent la location d'un petit bureau afin d'y fonder leur cabinet d'avocats. Le quartier est cependant devenu très dangereux depuis la Bataille de New York entre les Vengeurs et l'armée chitauri de Loki d'Asgard.

En effet, certains gangs se sont unis pour prendre le contrôle des activités criminelles à Hell's Kitchen, dissimulées par les activités de reconstruction du quartier sinistré.



Alors je m'excuse par avance mais ma principale référence pour Daredevil sera le film de 2003, parce que je connais pas assez le personnage pour savoir si la série est raccord avec les comics. J'en lis pas mal depuis deux-trois ans grâce à mon bibliothécaire préféré, du Marvel comme du DC, mais surtout des one-shots récents en dur, pas d'épisode de longues séries périodiques. Du coup, j'ai lu quelque chose comme 3 Daredevil uniquement : Sous l'aile du diable et, très récemment, Father et Le diable au couvent (qui sont tous les deux géniaux).


Vous ne connaissez pas Daredevil, vous êtes curieux-se ? Voilà une bonne référence, l'édition "en dur" qui compile les 5 tomes originaux (de 2004 à 2007) date de 2014.

Par contre, cette série, et dans une moindre mesure, les films du MCU (Marvel Cinematic Universe dont, en outre, sont partie intégrantes les séries Netflix, donc Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage, Iron Fist et la future The Defenders qui réunit les 4 héros éponymes) ont démontré une évidence que n'avaient pas saisie les gros financiers et producteurs de cinéma, à savoir qu'un univers de comics ne s'adapte pas en un long-métrage d'une heure et demie.
Prenez les Vengeurs par exemple, ils ont été actualisés, Tony Stark, à l'origine ancien du Vietnam est désormais un survivant de l'Irak, mais on n'a jamais eu la version intégrale de chacun d'entre eux (par exemple, aucune mention d'aucune sorte à part un rapide clin d'œil à Donald Blake, l'identité secrète de Thor dans les comics). Daredevil en revanche, a eu droit dès son premier film à son origin story avec son père boxeur qui se couche pour du fric, joue les gros bras pour des criminels, et le méchant du film, c'est le Caïd. Rien que ça. Bim.


Ouais le costume original noir c'est du bricolage plus qu'autre chose ^^

J'veux dire, Spiderman a une légion de méchants face à lui, il en a pris environ deux par film jusqu'à maintenant (sauf au début avec le Bouffon Vert), mais aucun n'a jamais été dominant par rapport aux autres (sauf le Bouffon Vert).
Il y a tout simplement beaucoup trop en plusieurs décennies d'écriture pour qu'un super-héros Marvel ou DC soit adapté en autre chose qu'un format sériel. Précisément ce que fait Daredevil by Marvel sur Netflix.
Et je dois admettre que la série le fait extrêmement bien, c'est absolument Marvelous. Désolé, j'ai pas pu m'en empêcher XD

En fait, l'intérêt c'est surtout que les séries Netflix offrent une bonne alternative aux films Marvel : les seconds sont clairs, directs, comme un grand coup de bouclier dans la face. Les premières sont sombres, complexes et on sait jamais à quoi s'attendre. Clairement, Daredevil est réalisée comme un film noir au format sériel.
La majorité de l'intrigue se déroule la nuit, ou des lieux clos et sombres, ou le jour par temps moche : il fait rarement très beau dans le NY de Daredevil, et quand il fait chaud, c'est insupportable. L'intrigue inclut beaucoup d'enquête minutieuse - les personnages de Ben Urich, et plus tard de Karen Page, sont particulièrement intéressants - et les affrontements ne sont pour ainsi dire jamais publics.
Dès le premier épisode, on voit déjà qui sont les méchants, mais ils sont pas identifiés, on a juste un genre de syndicat du crime contre-nature avec une vieille Chinoise, deux Russes, un Japonais, un vieux sarcastique et Weeeeeeesleyyyyyyy ♥ (je vais reparler de lui ^^) On sait pas en quoi ils sont liés, mais grosso modo, on dirait que c'est un mélange de trafic de drogue, de trafic humain, de gestion immobilière et de malversations financières.

Le syndicat du crime : deux russes, un japonais, une chinoise, un comptable et un assistant personnel.

Et c'est ça le cœur de ces séries, ce que je trouve génial : les adversaires sont des criminels en col blanc, des gens cachés derrière des activités parfaitement légales. La série Daredevil commence peu après la Bataille de New York du film Avengers, du coup la moitié de la ville, y compris le quartier de Hell's Kitchen, est en reconstruction. Les entreprises du bâtiment prospèrent, beaucoup d'argent circule, le personnage de Karen Page est intégré à la narration justement à cause de la société Union Allied, et comme le dit Leland, le vieux sarcastique, dès l'épisode 1, "dès qu'un super-héros envoie un mec dans un bâtiment, nos marges augmentent de 8%".
L'enjeu est d'ailleurs toujours d'actualité dans la saison 2, vu que si la criminalité refait surface, entre le Caïd (qui n'est jamais vraiment nommé comme ça) et les gangs de Bikers, d'Irlandais et des Diablos mexicains, une partie de l'intrigue autour du personnage de Frank Castle concerne le Département de Justice à New York (police et procureur).

La fin de la saison 2 est beaucoup trop géniale pour être vraie, ça vend du rêve pour la suite.

Parce que oui, vous avez bien lu, au casting de cette série, du moins dans la saison 2, se trouve l'incomparable Punisher, dans ce qui est à l'heure actuelle sa meilleure itération, avec une écriture dramatique, complexe et tout.
Sur le reste de l'affiche, Elektra Natchios, qui est ici incarnée avec brio par la française Elodie Yung (la série est un peu polyglotte), le génial Franklin "Foggy" Nelson, beaucoup plus important, sarcastique et moins sidekick que la version Jon Favreau, Karen Page et Ben Urich très doués pour le côté "investigateurs solitaires" et évidemment Daredevil lui-même.
Alors histoire de m'arrêter sur le personnage éponyme, je sais pas d'où est venu le délire du film dans lequel il dort dans un caisson isolé rempli d'eau pour calmer son sens-radar mais c'est n'importe quoi à tous les niveaux - déjà le simple fait de dormir dans l'eau, froide de surcroît, je vous raconte pas les problèmes de santé que ça peut occasionner.


Alors ok, de fait, Ben Affleck était un bon choix de casting pour Daredevil et il a pas trop mal géré le boulot. Matt Murdock, c'est un fait assez clair dans les comics, est massif. Dans le one-shot Father, il ressemble même furieusement à son boxeur de père ; en outre, Ben Affleck est connu pour être une armoire à glace qui dépasse les 1.90m.


Désolé pour la qualité d'image et la lumière ! Matt Murdock, le grand balèze dans Father.

Ici, c'est l'inverse, c'est Charlie Cox notamment vu dans le Stardust de Matthew Vaughn adapté de Neil Gaiman qui joue le jeune avocat. Il joue parfaitement les aveugles avec son regard vide et distant, la série étant davantage axée sur l'ambiance générale, elle n'explique Matt Murdock et ses "pouvoirs" que progressivement dans la saison 1 avec Stick, un mentor cool et sarcastique, mais surtout, il assure dans les scènes de combat. J'ignore s'il les a toutes réalisées, je le crois, et là où Daredevil est habituellement un gros lourd qui écrase les méchants de sa force (un peu à la Batman de Frank Miller tel que dépeint par le Batman v Superman de l'an dernier), il est ici léger et vif, plus doué pour encaisser comme Jack Murdock que aligner ses adversaires en un coup.


Ce qui rend d'autant plus pertinente l'écriture du personnage de l'infirmière Claire Temple jouée par Rosario Dawson et pensée pour être un trait d'union des Defenders : elle apparaît dans les 3 séries que j'ai vues jusqu'ici (DD, Jessica Jones et Luke Cage). Ce qui rend également plus emblématique l'affrontement avec nombre de ses adversaires, en particulier Wilson Fisk.
Pour ma part, j'ai découvert Vincent d'Onofrio dans Jurassic World avec le bourrin qui veut transformer les dinosaures en armes biologiques avancées, mais ici en Fisk il est génial parce qu'il gère bien le côté asocial et discret du mec qui veut surtout pas apparaître en public ni se salir les mains, et quand il le fait il est terrifiant, ce type est d'une puissance ahurissante, quasiment invaincu sur deux saisons O_O
Aux côtés de Fisk, en fait, y'a pas beaucoup de méchants qui peuvent exister correctement, ce qui me fait d'autant plus apprécier, d'une part, l'humour grinçant de Leland Owsley, ensuite le personnage de Wesley. Il servait à rien au Caïd de Michael Clarke Duncan, mais là, c'est un genre de Dark Coulson, il est toujours calme, poli, soigné, on le voit jamais en colère, il est froid et serviable, mais en même temps ce mec est le mal absolu, il est parfois d'un détachement incroyable face à la cruauté, c'est beaucoup trop génial ^^


D'un autre côté, il y a aussi de l'humour dans cette série, et vu l'ambiance générale, c'est heureux. Outre les grincements sarcastiques de Leland, je trouve l'écriture des relations entre Matt Murdock, Foggy Nelson et Karen Page vraiment sympa. Les deux derniers sont d'ailleurs souvent hilarants (cette punchline que Foggy balance à Marcy dans le cabinet d'avocats ultra-puissants au début de la saison 1...). Le personnage de Claire Temple aussi a son lot de répliques d'anthologies, mais je pense que ce qui est drôle c'est moins les punchlines (encore que, dans la saison 2, Elektra est parfois déchaînée et Stick pas en reste) que les situations générales. Par exemple dans la saison 2 justement, quand Stick demande du thé noir à Matt, tu te dis qu'il va faire un truc de ouf avec, genre guérison miraculeuse, et c'est effectivement ce qu'il fait... avant de siroter le thé avec un soupir d'aise XD

De fait, pour ce qui est de son fond, la série Daredevil de Marvel est vraiment réussie, on sent que les gens travaillent bien leur contenu. Pour ce qui est de la forme, je l'ai dit, on est à moitié dans le film noir, avec des ambiances sinistres et des milieux criminels, mais seulement à moitié.
L'autre partie, c'est le côté "working class hero" vanté par Tony Stark dans Spider-Man Homecoming : des super-héros prolétaires qui ont sûrement beaucoup plu à Bolchegeek, dans la lignée du Spider-Man, du coup, de Sam Raimi.
Matt Murdock a un grand appartement, mais vide et pas cher à cause d'un énorme panneau publicitaire devant la fenêtre, Nelson et Murdock galère à payer le loyer du bureau et reçoit de la bouffe en guise d'honoraires (ce qui était évoqué par le film), Karen Page commence à bosser pour le cabinet sans être payée, on voit même Ben Urich galérer pour payer l'hôpital de sa femme qui souffre d'Alzheimer bref, c'est la galère. Et je trouve très juste que le côté petits avocats - avec même quelques procès filmés, bon c'est pas Ally McBeal mais on a notre dose de judiciaire - qui débutent ainsi que la vie privée soient aussi importants dans la mise en scène, parce que la narration y répond souvent.

Wesley aux Russes : "peut-être que s'il avait une armure ou un marteau magique ça expliquerait pourquoi il arrête pas de vous botter le cul..."Rah ptain j'adore trop ce personnage, c'est le roi des connards, mais avec la classe \o/

Après, faut pas oublier que c'est une série avec un super-héros du MCU, du coup les scénaristes ont pas pu s'empêcher, logiquement, de moderniser le mythe. Depuis son costume très élaboré et déconstruit dans sa conception jusqu'au fait, justement, que Matt Murdock se fasse souvent casser la tête par des adversaires suréquipés, la série est très moderne. Elle adopte aussi un style très travaillé, avec un truc dont je suis toujours passionnément friand : les plans-séquences.
Alors je suis pas spécialiste en techniques de ciné, mais à mon sens, un plan-séquence, c'est-à-dire un plan sans cut, dans lequel la caméra continue de filmer sans coupure, seulement en pivotant, peut vouloir signifier deux choses. Soit un dynamisme beaucoup plus fluide qu'avec plein de cuts, dans une scène en mouvement - comme dans l'excellent Les fils de l'homme, un film dystopique dont l'apocalypse consiste en un arrêt total des naissances - et c'est le cas dans la saison 2 de Daredevil avec des couloirs, un escalier et le Punisher, ou bien un enjeu, un objectif. Parfois, c'est un mélange des deux, par exemple quand un film n'est constitué que d'un seul plan-séquence d'une heure et demie ou deux heures, y'en a plein qui sont connus pour ça. Pour ce qui est du plan-séquence d'enjeu, l'épisode 2 de la saison 1, avec un couloir, une porte et des combats acharnés, est assez magnifique.

Plan iconique de Matt Murdock, enfant, confronté au corps de son père. Déjà vu dans le film de 2003 d'ailleurs.

Outre cette technique trop rare et tellement précieuse, Daredevil brille également grâce à quelques plans iconiques qui m'ont l'air d'être le fait soit de clins d'œil aux comics - détails que j'ai pas relevés des masses dans la série, mais encore une fois, je ne suis pas très Diable Rouge - soit d'un style assez contemporain qu'on a déjà vu dans le reste du MCU - par exemple des travelings de transition les buildings de New York.
Clairement, le travail sur les costumes, les décors, les effets spéciaux (essentiellement pyrotechniques, il est pas question de super-pouvoirs) et la mise en scène sont oufs, au service d'une ambiance vraiment ambivalente qui fait écho à la double-vie du héros et aux multiples secrets de nombreux personnages. J'adore.
Enfin, tant que j'en parlais, le diable rouge est moins écarlate dans la série que dans les comics (dans le film était rouge sombre), et il n'est presque jamais appelé sous son célèbre nom puisqu'on évoque plutôt "le Diable de Hell's Kitchen".


Ouais, certains plans sont totalement pétés.


En bref : Daredevil est une série absolument géniale même si vous n'êtes pas fan de comics ou du Marvel Cinematic Universe. Elle raconte l'histoire d'un petit groupe de personnages humains et faillibles, c'est très intéressant, souvent sombre et parfois très drôle. La mise en scène, les lumières et la photographies témoignent d'un haut niveau de qualité qui n'a rien à envier aux séries HBO. En fait le seul défaut de cette série n'en est pas vraiment un : pour comprendre la série au-delà de la saison 2, il faudra regarder The Defenders, donc d'abord Jessica Jones, Luke Cage et Iron Fist...

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