Barre-menu

10.6.15

Un fou blanc au pays des Noirs


Les Munroe.

Auteurs : Christian Perrissin pour l'écriture et Boro Pavlovic au dessin.
Origine : France.
Nombre de livres : 4.
Date de publication : 2010, 2011, 2012 et 2013.
Genre : bande-dessinée, drame.

Les Munroe :
1. La vallée du Rift.
2. Magadi Train
3. Les larmes de Kibera
4. S'il pleut à Kijambe

Kenya, de nos jours. Robert Munroe, propriétaire d'une vieille exploitation de café, transmise dans la famille depuis des générations, est confronté à la concurrence d'autres exploitants et aux parasites qui ravagent ses plans. Il attend donc avec impatience son mariage prochain avec la jeune Victoria, riche héritière d'un pasteur austère et rigide.

Mais, pour ne pas arranger sa situation, son fils cadet Sean, condamné plusieurs années auparavant pour le meurtre d'une Kikuyu, s'évade lors de son transfert à travers le bush. Il disparaît vite dans la brousse, avec sur ses traces son frère Ted, qui le déteste, et le rusé inspecteur Njoya, un Masaï.
A l'instar du Réseau Bombyce (que je vous recommande mais sur lequel je n'ai pas grand-chose à dire parce que j'en ai oublié les détails pour ne conserver que les grandes lignes de la qualité du dessin, des décors et de l'intrigue), Les Munroe est une petite série de BD française sur laquelle je suis tombé complètement par zazard à la bibliothèque municipale. De fait, elle ne comporte que les 4 tomes que j'ai lus, ce qui constitue quasiment un one-shot tout à fait appréciable à côté d'énormes séries (pour la plupart finies) comme XIII, Blake et Mortimer ou d'autres du même style, loin de l'humoristique un peu cliché des Tintin, Lucky Luke, Astérix ou Les Schtroumpfs (et avec lesquels j'ai grandi).

Début du tome 1 : paf, nous v'là dans l'ambiance.

En plus, le cadre est plutôt original, et ça c'est sympa. J'imagine que la plupart d'entre vous ne savent rien de plus sur le Kenya que ce pourquoi il est connu à l'international (les safaris), mais pour ma part j'ai étudié, il y a très longtemps (en première année de licence d'histoire-géo) l'Afrique de l'est (Kenya, Burundi, Ouganda, Rwanda, Tanzanie), soit une partie du continent qu'on connaît mal en France puisque ce sont d'anciennes colonies anglaises.
De fait, je ne sais rien de la présence des Blancs au Kenya mais il semble qu'ils y soient encore assez éminents s'il faut en croire les recherches faites par les auteurs de cette tétralogie : certaines des anecdotes qui y sont racontées sont tirées de faits réels.


Concrètement, il est donc question, et pour ça il faut pousser jusqu'au tome 2 qui commence à vraiment raconter les prémices de l'histoire, de cette famille de Blancs déchirée par le passé commun et les aléas de la vie. Les principales révélations viennent dans les tomes 3 et 4 et franchement c'est pas beau à voir. Robert est un père divorcé assez âgé et de ses trois enfants, seul l'aîné restant à ses côtés. Karen, lesbienne, vit tranquillement à Mombasa, dans l'est du pays (il y a une carte du Kenya dès le début du tome 2), où elle n'est pas inquiétée par la haine farouche des Noirs envers la minorité blanche, au contraire de Sean, qui habitait Kibera, un bidonville de la banlieue de Nairobi (la capitale) et où sa petite amie a été retrouvée assassinée chez lui : l'étincelle qui met le feu aux poudres.
Quelques années après, lors de son transfert pour faits de violence de la part des gardiens (forcément, un Blanc dans une prison kenyane...), Sean s'évade et se lance sur la piste du véritable meurtrier ou de celui qu'il croit l'être.


Comme bien souvent dans la BD et malgré la concision imposée par le format, j'ai adoré dans cette série l'écriture des personnages. Chacun des protagonistes principaux, à savoir Robert, Ted, Sean et Karen Munroe, ainsi que l'inspecteur Njoya, est bien caractérisé et quelques secondaires viennent même les appuyer : un commissaire corrompu (ce qui semble n'avoir rien de surprenant d'après mes rapides recherches sur le Kenya), un journaliste très bien informé, une ancienne maîtresse, une épouse en devenir, un contremaître un peu louche...
Fort des recherches effectuées, l'auteur essaie de dépeindre la société kenyane actuelle, avec ses nombreuses ethnies noires (le journaliste est un kikuyu, dont la peur face au danger est décrite avec un peu de condescendance par le masaï et donc plus brave et martial inspecteur Njoya), ses Blancs et les rapports complexes qu'entretiennent ces populations autour d'une intrigue énigmatique et je dois dire assez surprenante.

POUM, voilà, tu peux te repérer, Nairobi est au sud, et Mombasa sur la côte. Sean a été transféré depuis Magadi (au sud de Nairobi) vers l'ouest, tac. De rien !

Comme Le Réseau Bombyce (que je vous recommande à nouveau), Les Munroe « ne finit pas bien » (encore que dans les deux cas la fin m'a paru cohérente), mais le cadre spatial et le soin apporté par le dessinateur à sa reproduction sont un vrai plaisir à contempler. Durant une partie de sa fuite, Sean Munroe traverse le bush, la savane africaine, sauvage et inhospitalière, tandis qu'il est rattrapé par Njoya sur un train dont la ligne traverse tout le Kenya et donc une partie du Rift, le bouclier tectonique d'Afrique de l'Est, qui en l'occurrence produit des hauts-plateaux et des défilés rocheux plutôt dangereux.

Les paysages sont donc, la plupart du temps, très ouverts et aérés, avec des plans larges, des illustrations en page pleines et des vignettes accolées dessus, loin du découpage mécanique de la BD traditionnelle. Tout est placé au service de la mise en scène avec talent, remarquable colorisation et ça et là quelques animaux sauvages (lions, éléphants, zèbres) qui rappellent la dimension touristique du pays (un chasseur d'images blanc sert à un moment, malgré lui, la fuite de Sean) tout en constituant un joli arrière-plan que n'aurait pas renié Froid-Équateur, le dernier volet de la trilogie Nikopol d'Enki Bilal ^^

De leur côté, les villes et les habitations sont aussi très joliment représentées, de la maison clairement de style colonial des Munroe à Mombasa et Nairobi, avec des niveaux de développement (d'occidentalisation dirons-nous) variables mais toujours de beaux plans d'ensemble :)
En bref : intéressant dans son cadre spatio-temporel, divertissant dans son intrigue et plus qu'agréable dans son dessin et ses paysages, la tétralogie des Munroe est une petite série méconnue qui vaut le coup d'œil et mérite sa place dans les bibliothèques. Si vous avez l'occasion de la lire ou de l'emprunter, n'hésitez pas ;)

Désolé pour le manque d'images, c'est pas très connu alors y'a rien sur Google :/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire