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29.4.15

Shakespeare et son adaptation, encore un joli succès :)


Le songe d'une nuit d'été.

Auteur : William Shakespeare.
Origine : Angleterre.
Nombre de livres : 1.
Date de publication : 1594-95.
Genre : théâtre, drame.

L'auteur.
William Shakespeare, (1564-1616), est l'un des plus grands dramaturges de toute l'histoire littéraire anglaise. Poète, auteur prolifique et metteur en scène talentueux, il détient la paternité de plus de 30 pièces de théâtre et poèmes et en aurait écrit d'autres en collaboration avec des contemporains. Traduit dans de nombreuses langues, il demeure aujourd'hui l'une des plus grandes références littéraires anglo-saxonnes dans la littérature, la musique et le cinéma internationaux.

Film américain de Michael Hoffman (1999).
Genre : comédie.
Vu en VOST.

Interprètes principaux.
Stanley Tucci : Puck ou Robin Goodfellow, diablotin farceur au service d'Obéron.
Anna Friel : Hermia, amoureuse de Lysandre mais promise à Démétrius.
Christian Bale : Démétrius, noble athénien, promis à Hermia dont il est amoureux.
Calista Flockhart : Héléna, amie d'Hermia et amoureuse de Démétrius.
Dominic West : Lysandre, amoureux d'Hermia malgré le refus du père de celle-ci.
Rupert Everett : Obéron, Roi des Elfes.
Michelle Pfeiffer : Titania, Reine des Fées et compagne d'Obéron.
Kevin Kline : Nick Bottom, tisserand et acteur amateur, piégé par Obéron et Puck.

Athènes. Le duc Thésée s'apprête à épouser Hippolyta, reine des Amazones, quand se présente à lui le noble Égée : bien que sa fille Hermia soit amoureuse du jeune Lysandre, il a promis la main de celle-ci à Démétrius, dont est vainement amoureuse Héléna, la meilleure amie d'Hermia. Faute de se soumettre à la volonté paternelle, Hermia s'expose donc au couvent ou à la mort.

Parallèlement, Obéron, Roi des Elfes, est aux prises avec sa compagne Titania, Reine des Fées, qui garde à son côté un jeune Indien dont le monarque des bois veut faire son page. Il projette alors d'envoyer Puck, un lutin farceur, pour employer la ruse auprès de Titania.

Allez, je m'essaie à nouveau au commentaire comparé d'une œuvre et de son adaptation. La dernière fois c'était dans cet article à propos du Vent dans les saules, roman et bande-dessinée, mais là on change complètement de médium, j'espère que ce sera aussi clair et agréable à lire que possible x)

Bon, alors il faut savoir que Shakespeare est de loin mon auteur anglo-saxon préféré, très loin devant Doyle (ouais en fait Conan c'est son second prénom, pas son nom) ou J.K. Rowling – de toute façon je suis pas fan des auteurs à un seul univers, et ça inclut Franck Herbert (Dune) et George Martin – et que j'ai toujours adoré son œuvre, du moins le peu que j'en connaissais.
Cela dit et bien qu'il soit connu pour ses tragédies et ses drames historiques – Hamlet, MacBeth, Roméo et Juliette, Richard III, Henry V, tout ça – Shakespeare a également écrit un grand nombre de comédies parfois burlesques (d'ailleurs j'ai encore plus envie de lire Beaucoup de bruit pour rien depuis que j'ai vu l'excellente adaptation de Joss Whedon) et il se trouve que Le songe d'une nuit d'été en est une.
D'ailleurs, le film est très clair d'emblée sur ce point puisqu'il déplace l'action à Monte Athena en Toscane au XIXème siècle et surtout commence par un prologue écrit qui explique que la paix nouvellement acquise par le pays permet l'introduction d'une nouvelle invention, la bicyclette x) Et effectivement, celle-ci sert à la fois à illustrer l'arrière-plan et à déplacer les personnages que de ressort comique :)

Joseph Noel Paton, La querelle d'Obéron et Titania, 1849. Tu la sens, l'Antiquité grecque ?!?

En fait, ironiquement, la base de l'histoire est la même que bien des tragédies, à savoir un chassé-croisé amoureux avec soumission des enfants à l'autorité patriarcale et des méprises à répétition, mais le dénouement n'est pas tragique puisque plane sur l'ensemble de la pièce et du film une atmosphère d’irréel et de rêverie – le titre est particulièrement bien choisi – qui dissipe vite les craintes du lecteur. Sans aller jusqu'au deus ex machina – on parle de Shakespeare là, pas de Stephenie Meyer, on a tout au long de l'histoire l'impression que ça peut pas mal finir, que les forces en présence sauront l'empêcher, ne serait-ce que parce que l'œuvre dans son ensemble est très courte, composée de 4 actes à deux scènes chacun et d'un cinquième qui n'en compte qu'une.

Obéron, il est grand, il est beau, il est tragique, mais en fait il est gentil aussi. C'est lui qui règle les problèmes amoureux des autres ^^

Intemporel, Le songe d'une nuit d'été est également varié dans ses inspirations puisqu'il met en effet en scène Obéron, personnage mystérieux du folklore médiéval (je l'avais déjà croisé, également comme Roi des Elfes, dans le jeu vidéo Overlord (oui oui, je l'ai croisé, parce que la culture est un multivers, belle analogie pas vrai ? ^^)), Titania, dont l'origine serait plutôt à chercher dans l'Antiquité – dans le film elle est incarnée par Michelle Pfeiffer et même capable de contrôler les éléments, comme les Titans – mais également Puck, le lutin farceur, qui réussit l'exploit d'être à la fois personnage secondaire et au cœur de l'histoire – c'est même lui qui la conclut par un épilogue (rappelant le prologue d'Henry V) qui évoque la dimension théâtrale de l'œuvre et s'excusant auprès du lecteur-spectateur s'il n'a pas aimé, invitant celui-ci à considérer tout ceci comme « un somme avec des rêves partagés. »
A l'écran, le diablotin est incarné par le caméléon humoristique Stanley Tucci, autant dire que c'est un délice pour le spectateur ^^

C'est un peu un rôle taillé exprès pour lui ça, il passe la moitié du film en mode "tiens, qui est-ce que j'vais embêter maintenant ?" ^^

En effet, Puck, aussi connu sous le nom de Robin Goodfellow (et que j'ai croisé sous cette appellation dans l'excellent jeu de rôle papier Les secrets de la 7ème mer, dont je compte toujours vous parler) incarne pour le Moyen-Âge les facéties et les aléas du quotidien : sous son incarnation première, il est le bon génie qui aide les gens au travail, donne de discrets coups de pouce au destin, mais se révèle un sacré farceur, qu'il ne vaut mieux pas agacer, auprès de quiconque l'appelle « Bon Diable ». Quoi de plus naturel en fait que dans un support comme dans l'autre il soit l'agent d'Obéron et que ses actions soient fort joliment mises en scène ?
Ce dernier, de manière assez intéressante, est ainsi à la fois le personnage le plus influent du roman – on apprend par exemple que son intrigue n'est pas sans lien avec celle des humains puisque sa querelle avec Titania repose à la fois sur l'enfant indien que celle-ci a recueilli et sur l'affection partagée du couple divin envers les humains, Obéron pour Hippolyta et Titania pour Thésée – et celui qui agit le moins, envoyant Puck à sa place.

Donc en fait le plan d'Obéron c'est de faire tomber Titania éperdument amoureuse d'une bête féroce ou ici d'un gros baltringue pour exiger l'enfant indien en échange de sa libération. Il est gentil, Obéron, mais un peu sexiste.
C'est à cause de Puck s'il a des oreilles d'âne x)

Aaaaawww *o*
Ce sont les méprises de celui-ci autour du quatuor d'humains, Héléna et Hermia, respectivement Calista Flockhart (Ally McBeal) et Anna Friel (Pushing Daisies) à l'écran, aussi justes, drôles et adorables dans leur interprétation de la jeune femme à qui tout réussit et de celle qu'on trouve moins attirante et qui est rejetée, que dans leurs interactions notamment lors d'une séquence de dispute géniale, ainsi que Démétrius (Christian Bale, déjà aussi sympa en 1999) et Lysandre, qui créent d'ailleurs la plupart des péripéties de la pièce, avant qu'Obéron ne vienne y mettre bon ordre et que, comme le diraient Thésée et surtout Puck, toute cette histoire ne semble avoir été que le songe d'une nuit d'été.
Pensez donc, lors d'une scène en particulier, et fort bien adaptée dans le film au passage, les deux filles s'engueulent au milieu d'un énorme quiproquo, et pendant que les hommes s'efforcent de protéger Héléna de son amie, celle-ci ne cesse maladroitement de rappeler qu'Hermia a l'air gentille mais qu'elle est féroce malgré ses quelques centimètres de moins qu'elle-même, et dans la pièce, ça dure, ça dure, les synonymes se multiplient, Hermia se scandalise d'être comparée à une naine, c'est juste hilarant et bien joué à l'écran par Anna Friel et Calista Flockhart x)

Comme on est chez Shakespeare, cela dit, un auteur qui travaille à fond son background et son casting, Le songe d'une nuit d'été met également en scène quelques personnages du commun au service de l'humour (dans Beaucoup de bruit pour rien de Joss Whedon c'était le chef de la milice joué par Nathan Fillion ^^), en l'occurrence un groupe de travailleurs qui décident d'adapter un drame historique, la tragédie de Pyrame et Thisbé (qui a inspiré Roméo et Juliette, le monde du théâtre est tout petit ^^) à l'occasion du mariage de Thésée et Hippolyta, sauf qu'ils sont navrants, pas futés, qu'ils n'ont jamais joué leur vie et que le premier d'entre eux, Nick Bottom, est un crétin consommé qui sert utilement les intrigues d'Obéron à l'aide de Puck.
Du coup, on a largement notre dose de burlesque à la fois dans la pièce et à l'écran puisque Kevin Kline, un acteur reconnu et talentueux, incarne le fameux personnage, accompagné du jeune et encore timide Sam Rockwell (Francis Flute/Thisbé), et que la mise en scène de Michael Hoffman met clairement en valeur les pathétiques prestations de Nick, théâtral et grotesque comme jamais ^^

Rien que pour le drame de Pyrame et Thisbé, cette pièce et ce film sont des monuments XD Un mec, UN MEC pour incarner un MUR ^^

Pour ce qui est des aspects formels, j'ai été ravi et frustré à la fois que mon édition du Songe d'une nuit d'été soit bilingue : cela m'a permis de constater que ce bon vieux Bill était un poète hors-pair, qui jongle entre les décasyllabes et les octosyllabes (10 et 8 syllabes par vers, j'ai compté !), avec des rimes riches voire internes et un vocabulaire de malade.... sauf que du coup c'est extrêmement difficile à lire quand on maîtrise pas le vieil anglais XD Bon, lors de ma seconde lecture, je naviguais entre les pages droites (français) et gauches du livre, donc j'ai pas tout perdu. En plus les didascalies sont vachement plus étayées en anglais, on sent le perfectionnisme du metteur en scène.

A l'écran, par respect pour l'œuvre originale et probablement aussi par souci de qualité, la majeure partie du texte de Shakespeare a été conservé ; ce XIXème siècle italien étant riche de vêtements élégants et de vaste palais, ça ne nuit pas du tout à la cohérence de l'ensemble. Il y a bien sûr des bicyclettes, des charrettes à bras et de nombreuses inventions contemporaines (miroirs, ustensiles de cuisine, disques...) mais cela joue, pour les premières, en faveur de l'humour (notamment à l'égard de Puck lorsqu'il est confronté à un vélo avec lumière et klaxon et finit par l'utiliser pour se déplacer dans la forêt ^^) et pour tous les autres dans la richesse et la cohérence de l'univers : les fées ne connaissant pas ces inventions d'humains, ces dernières servent utilement d'offrandes ou de distraction (employée par Obéron), et un côté indéniablement sérieux de l'équipe du film fait que tous les figurants qui les manient, à l'arrière-plan, parlent italien entre eux, et non anglais. Dans un film américain, voir une cité de la campagne italienne prendre vie de la sorte, c'est extrêmement mignon et rafraîchissant.

La (semi-)nudité est pas mal présente dans le film à la fois pour figurer la vertu des jeunes filles qu'il faut respecter et la nudité (allégorique) éprouvée en même temps que les sentiments, ici, à la fin du film, dans une volonté de construire les deux couples d'amis sur une base neuve matérialisée par les vêtements qu'ils portent à partir de la (dernière) séquence suivante.
....QUELQU'UN VIENNE M'EXPLIQUER C'QUE J'VIENS DE DIRE !! (référence à Torgue dans Borderlands 2)

La musique, enfin, est très présente à la fois dans la pièce et dans le film, puisque Titania apprécie que ses suivantes chantent pour elle lorsqu'elle va se coucher et qu'Obéron et elle fredonnent ensemble à leur réconciliation, ce qui complète judicieusement les poésies auxquelles s'adonnent tantôt Nick Bottom et Puck. A l'image, peu de mélodies différentes sont employées, quelques morceaux d'opéra italien étant évidemment reconnaissables et réutilisés plusieurs fois, mais les effets visuels de la forêt, depuis les tours de Puck jusqu'aux fééries des elfes, soulignent et mettent en valeur le peu qu'on entend.

En bref : d'abord une comédie fort bien écrite et narrée par Shakespeare, véritable mise en abyme du théâtre mettant en scène des thèmes universels dans un cadre féérique et intemporel, Le songe d'une nuit d'été est également devenu pour moi un film intéressant et judicieusement pensé malgré son décalable avec la pièce. En fait, il est même la preuve, avec le Much Ado About Nothing de Joss Whedon qu'une adaptation théâtrale au cinéma peut prendre de nombreuses libertés pourvu que celles-ci soient bien pensées et respectent le caractère théâtral de la narration. N'hésitez pas à lire comme à voir Le songe d'une nuit d'été, c'est vraiment très agréable dans les deux cas :)

"Héléna
Voyez, elle aussi est du complot. Je vois bien maintenant qu'ils se sont mis tous les trois d'accord pour jouer à mes dépens cette comédie perfide. Méchante Hermia, fille très ingrate, conspirez-vous, êtes-vous liguée avec ces hommes pour me harceler de cette odieuse moquerie ? Ainsi, tous les secrets que nous avons partagés, nos serments fraternels, les heures passées ensemble, alors que nous maudissions le temps au pas pressé qui nous séparait, ah, tout cela est donc oublié ? Notre amitié des jours d'école ; notre innocence enfantine ? Comme deux habiles fées, Hermia, nous avons créé avec nos aiguilles la même fleur, au même canevas, assises sur le même coussin, gazouillant à l'unisson la même chanson, comme si nos mains, nos flancs, nos voix, nos âmes eussent été confondus. Nous avons grandi ensemble comme deux cerises jumelles qui semblent séparées, mais sont unies entre elles, deux charmantes baies modelées sur la même tige ; deux corps en apparence mais avec un seul cœur : même blason portant même écusson, couronnées d'un même cimier et obéissant à un seul seigneur... Et tu voudrais briser cette vieille amitié en te joignant à ces hommes pour narguer ta pauvre amie ? Ce n'est pas amical, ce n'est pas digne d'une jeune fille ; et quoique je sois seule à ressentir l'injure, tout notre sexe est avec moi pour vous la reprocher."
Le songe d'une nuit d'été, Acte III, scène 2.

(elle rigole pas Héléna avec la sacralité de l'amitié féminine ^^)

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